Extraits de la monographie de l’Instituteur Louis Saubadie – 1886 – Commune de CAZARILH-LASPENES
Monographie publiée en 2013 dans la « Revue de Comminges » par la Société des Etudes du Comminges
L’école de CAZARILH-LASPENES en 1886
Nous ne possédons aucun document pouvant nous renseigner sur l’état de l’instruction primaire dans les différentes époques de l’histoire de la commune. À peine avons-nous pu recueillir verbalement les noms de quelques instituteurs qui ont exercé ici leur profession depuis le commencement du siècle actuel. Les divers renseignements qui nous ont été fournis par des vieillards dignes de foi nous montrent qu’à une époque peu éloignée de nous l’instituteur recevait pour tout traitement une mesure de seigle par élève et par semestre. Si nous considérons que la moyenne des élèves était de 20, la rétribution devait à peine s’élever à une centaine de francs. À cette rétribution nous devons ajouter la norme, contribution personnelle que payait en nature, tous les samedis, chaque élève de l’école. C’était tantôt une galette, tantôt un morceau de lard ; mais la valeur ne devait pas être inférieure à celle d’un œuf. Nous avons ici des personnes qui ont fourni cette norme pendant tout le temps qu’elles ont fréquenté l’école; elles s’accordent à dire que la misère de la famille de l’instituteur était extrême. Souvent, le maître d’école était le barbier du village et le carillonneur. Les soins qu’il donnait aux enfants n’étaient pas aussi rétribués que ceux du pâtre de la commune!
Jusqu’à présent, les bâtiments qui ont servi de maison d’école à Cazarilh ont toujours été défectueux; une salle basse peu aérée, mal éclairée, sans aucun préau ni dépendances d’aucune sorte, telle a toujours été l’installation scolaire de la commune.
Le Conseil municipal de 1881, désirant améliorer cette situation entra résolument dans la voie indiquée par le Gouvernement et résolut de créer un établissement scolaire réunissant les conditions de bien-être et d’hygiène qui prédisposent les jeunes esprits au travail sans effort, tout en développant leurs aptitudes physiques.
Un emplacement central était bien difficile à trouver dans ce village formé de maisons superposées ; cependant, à l’aide de quelques travaux d’aménagement, on a réussi à réunir les conditions requises de bonne installation, d’aération et d’éclairage.
La maison d’école est construite pour 24 élèves; la salle de classe, précédée d’un vestibule servant de vestiaire, comprend une surface libre de trente mètres carrés, soit un mètre carré 25 par élève.
Le préau couvert des filles a 12 mètres carrés ; le préau découvert quarante mètres carrés.
Le préau couvert des garçons a quinze mètres carrés ; le préau découvert, 70 mètres carrés.
Les cabinets d’aisance sont placés à l’extrémité des préaux couverts. Un corridor situé à l’arrière de la salle de classe isole cette dernière du terrain déblayé. Un escalier conduisant à l’étage supérieur est établi dans ce corridor.
Le palier supérieur donne sur deux portes, la première s’ouvrant dans la salle de bibliothèque populaire, et l’autre sur le logement de l’instituteur composé d’une cuisine, de deux chambres à coucher et d’un cabinet de travail.
Le montant total de la dépense affectée à l’établissement du local scolaire s’est élevé à 11100 francs. L’État a accordé une subvention de 9 000 F ; la commune 1500 francs dont 800 d’emprunt et le département 600.
La fréquentation des écoles laisse toujours à désirer dans nos montagnes ; tous les instituteurs s’accordent à dire que la loi du 18 mars n’a pas produit les effets en attendait. Cela tient surtout à la situation peu aisée des familles: Il faut d’abord vivre, entendons-nous répéter tous les jours et pour cela l’aide de nos enfants n’est pas à dédaigner.
À Cazarilh, en 1884, les absences se sont élevées au sixième des présences possibles. Il est à remarquer que l’école est fréquentée très régulièrement durant l’hiver: l’émulation, les résultats, le temps surtout contribuent à nous amener les élèves; mais pendant une bonne moitié de l’année, les travaux agricoles occupent la plupart des enfants; l’émulation ne peut rien alors: une absence en entraîne une autre; souvent un prétexte suffit. Dès que l’enfant a atteint 10 ans, il ne faut guère s’attendre à le voir en classe durant les mois de la belle saison ; il nous a été donné de constater que deux élèves de onze ans, un garçon et une fille ont, l’un 362 absences et l’autre 375 sur les 437 classes de l’année : le premier est fils d’un invalide qui ne peut se passer de son secours, le second garde un jeune enfant pendant que la mère gagne la vie de la famille.
En général, tout le monde sait lire et écrire ici. Qu’il nous soit permis de rendre justice au dévouement de nos prédécesseurs qui ont donné les soins intellectuels à la génération actuelle. MM. Anthony, Laurens et Ségnourat sont arrivés à obtenir l’heureux résultat de nous donner une population où il ne se trouve pas un homme qui ne sache signer son nom.
C’est dire qu’il n’y a pas eu depuis longtemps un conscrit illettré, et, durant dix ans, tous les actes de mariage ont été signés par l’époux; deux épouses seulement ont déclaré ne savoir, encore faut-il dire que l’une n’a pas voulu signer par un esprit de fausse vanité.
Ces résultats très satisfaisants sont dus pour une bonne part à l’intelligence et au dévouement de l’administration municipale qui, dans une commune dont les recettes annuelles ne s’élèvent pas à 200, a su créer des ressources pour construire un local scolaire évalué à 12000, pour acheter un compendium métrique, pour créer une caisse des écoles, pour acheter un matériel géographique complet et, enfin, pour fonder une bibliothèque scolaire populaire.
Cette bibliothèque fut créée en 1878 ; une souscription et un vote du Conseil municipal formèrent le premier fonds et Monsieur le Ministre de l’Instruction accorda, en 1879 une concession de livres. Aujourd’hui nous possédons 80 ouvrages divers qui sont lus régulièrement tous les hivers. En l’année 1884, il y a eu 96 prêts sur 27 familles que compte le village ; c’est une moyenne de plus de 3 ouvrages par ménage.
La caisse des écoles fut fondée seulement en 1884 par un vote du Conseil municipal et d’une subvention de l’État. Elle a déjà rendu de très grands services car la population de Cazarilh est pauvre et les enfants manquent souvent des fournitures scolaires les plus indispensables.
Il a même été possible de créer une caisse d’épargne scolaire ; huit livrets représentent aujourd’hui une somme de 14 francs; c’est peu, mais le premier pas est fait; l’institution prospèrera certainement.
La situation morale de l’instituteur est assez satisfaisante, vivant au milieu d’une population honnête et laborieuse, et en relation avec un Conseil municipal tout à fait dévoué au développement de l’instruction, le modeste traitement de 1000 francs suffit à peu près à ses besoins.
Sa position sera améliorée de beaucoup lorsque les travaux du local scolaire seront terminés, et cela ne peut tarder longtemps. Actuellement le logement laisse beaucoup à désirer car il ne se compose que d’une chambre pour toute la famille. Mais en présence du bon vouloir de l’administration municipale, en présence des efforts qui ont été faits pour que la situation devînt supportable, il attend patiemment le jour où il lui sera permis d’être chez lui et d’avoir pour les enfants qui lui sont confiés une salle d’école construite dans les meilleures conditions possibles.