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Trébons et Cazarilh (1886)

Extraits de la monographie de l’Instituteur Louis Saubadie – 1886 – Commune de CAZARILH-LASPENES
Monographie publiée en 2013 dans la « Revue de Comminges » par la Société des Etudes du Comminges

CAZARILH et TREBONS en 1886 – Paroisse, route, légende, langue, rivière, météo : quelques extraits qui témoignent d’une communauté de destin, même si les relations pouvaient parfois être orageuses…

 Une même paroisse

La religion catholique est seule en usage à Cazarilh qui forme, avec la petite commune de Trébons une paroisse administrée par un curé. On n’y rencontre pas d’athée proprement dit, mais un grand nombre d’indifférents, surtout parmi les hommes. Cela provient d’abord de ce que les ouvriers choisissent souvent le dimanche pour aller régler leurs affaires à Luchon ; ensuite du peu d’empressement que met l’administration épiscopale à nous donner un prêtre quand la cure est vacante. D’ailleurs, comme la montée est pénible, le village un peu isolé, et le casuel peu important, les curés se plaisent peu à Cazarilh et passent une bonne partie de leur temps à Luchon ou ailleurs ; ils font tout leur possible pour obtenir leur changement dès les premières années de leur résidence. À chaque mutation, la commune reste au moins un an sans prêtre et quand on lui en donne un, les habitants sont déjà habitués à s’en passer. Aussi ces ministres se plaignent-ils amèrement du peu d’empressement que les habitants mettent à assister aux offices ; mais leurs lamentations tombent en général dans le vide car ils sont souvent en compagnie seulement de quelques dévotes pour chanter vêpres : on chante alors « vêpres basses » dit le public.

Il n’en était pas ainsi autrefois et nos ancêtres gémiraient s’ils connaissaient notre indifférence. Malgré le peu d’importance de la population, la cure n’est jamais vacante. Les registres de la paroisse tenus assez régulièrement depuis 1635 prouvent d’une manière péremptoire que les prêtres s’y sont succédé sans interruption, même pendant la Révolution française. Mais nous avons remarqué qu’à partir de cette époque, plusieurs actes ont été périodiquement rédigés en une sorte d’idiome ressemblant beaucoup au patois de la vallée d’Aran. Ce fait, rapproché de diverses histoires qu’on raconte dans le pays prouve qu’à cette époque, le clergé français de nos vallées était recruté en Espagne. Mais combien devaient être ignorants ces pauvres ecclésiastiques. Les actes sont si mal écrits que, sans le secours du patois, il serait impossible de les déchiffrer. Les vieillards d’ici racontent d’ailleurs que l’un de ces prêtres ne savait lire que dans son bréviaire.

Une même route

En dehors de la route thermale, notre commune ne possède que des chemins vicinaux et des chemins d’exploitation. Les premiers, au nombre de deux, sont entretenus avec soin par les habitants, mais, néanmoins l’un est presque toujours en mauvais état par suite des dégradations continuelles des eaux. C’est un chemin muletier partant de la route thermale au lieu-dit Payssas et aboutissant au village après avoir suivi les crêtes de la Casseyde qui dominent la ville de Luchon.

L’autre chemin allant de Cazarilh à Trébons pour aller rejoindre la même route thermale dont nous venons de parler est en voie de construction. La commune s’est imposé à cet effet de lourds sacrifices ; l’État est venu largement à son aide et l’on peut prévoir qu’à une époque assez rapprochée, les habitants pourront s’approvisionner convenablement car jusqu’ici il était impossible de transporter au village un ballot tant soit peu considérable sans le partager en plusieurs parties : deux hectolitres de vin ne sont encore jamais arrivés chez nous dans un seul fût.

Cette route est donc appelée à rendre de très grands services; mais aussi elle aura coûté une somme relativement énorme puisque les contributions communales ont été presque doublées à la suite des emprunts qu’ont nécessités les dépenses et frais de construction.

En outre, qu’il nous soit permis de constater ici combien les influences personnelles sont parfois néfastes aux communes lorsqu’elles sont employées à soutenir des intérêts particuliers aux dépens du bien public. Cette route en est un exemple frappant, puisse-t-il servir aux générations futures.

En effet, le but de la commune de Cazarilh, lorsqu’elle a contracté des emprunts pour construire un chemin carrossable était certainement de se mettre en relations directes avec Luchon, son chef-lieu de canton, centre de toutes les affaires du pays et particulièrement de notre village. Un chemin de quatre kilomètres passant exclusivement sur notre territoire à l’est de la commune aurait certainement rempli les conditions désirables. Mais certaines personnes de la commune, bien placées pour faire avorter ou réussir le projet, avaient des propriétés considérables sur la région opposée, c’est-à-dire du côté de l’ouest; elle pactisa avec la municipalité de Trébons pour obtenir le tracé dans cette direction. On ne pouvait faire un plus mauvais choix. Par cette voie notre commune est éloignée de Luchon de plus de six kilomètres; en outre nous avons été obligés de construire non seulement notre chemin, mais encore une bonne partie de celui de Trébons. Aujourd’hui encore, cette commune demande que nous fassions de nouveaux sacrifices.

En définitive, Cazarilh a été dupe des promesses de Trébons et des compromissions de quelques personnes haut placées. On lui avait promis que cette voie de communication serait ouverte dans cinq ans au plus tard ; il y a huit ans que les chantiers sont ouverts et il reste encore à construire au village de Trébons, un tronçon de chemin qui rend à peu près inutiles les travaux faits jusqu’à ce jour.

Une même légende

Les superstitions se sont donné ici un libre cours durant bien longtemps, si l’on en juge par les nombreux récits qui font souvent les frais de la conversation durant les longues soirées d’hiver. Elles sont encore presque indéracinables. Ainsi on raconte encore avec effroi qu’un chat blanc désigné sous le nom de « Chat de Trébons » avait le pouvoir de jeter des sorts. Malheur à qui essayait de le tuer, un membre de la famille mourait dans l’année. Un jeune homme s’étant avisé de lui jeter une pierre qui l’atteignit à la jambe, trouva le lendemain une de ses vaches morte; l’une de ses jambes avait été arrachée! Ce chat marchait souvent à quelques pas des personnes qu’il poursuivait, changeait de nature,devenait porc, loup etc. et disparaissaitensuite subitement. Enfin ce chat donne toujours lieu à des récits fantastiques où le merveilleux le dispute souvent à la naïveté.

Les vieilles personnes parlent aussi du Drac, animal qui avait le pouvoir de se présenter indifféremment sous forme d’animal, de personne, de géant; des Incantades qui étendaient leur linge sur les rochers avoisinant le village.

Une légende qu’il serait peut-être possible de reconstituer si l’on pouvait faire corroborer les divers récits qu’on raconte à ce sujet dans tout le canton de Luchon est celle des Géants du Larboust. Mais le peu de renseignements que nous avons pu recueillir ne nous permet pas de saisir entièrement le sens des quelques contes incohérents que nous avons entendus.

Nous avons pu seulement comprendre que ces géants étaient au nombre de douze et commettaient dans le pays des actions abominables. Ils étaient servis par une jeune héroïne qui leur imposait ses volontés. Tous, géants et héroïne, furent enterrés sur le versant septentrional de la montagne de Superbagnères.

Du plateau de la petite église de Cazarilh, on remarque, en effet, tout à fait en face, et sur la pente orientale du Val de Gourron treize grandes excavations ayant la forme de sépulcres gigantesques. La première de ces excavations est plus petite que les autres ; c’est, dit-on, là que repose la compagne des douze géants.

Ces prétendues tombes ne sont autre chose que des plis du terrain formé par les eaux; en effet, ce sol étant formé d’argile et de petits cailloux roulés, a pu facilement être sillonné régulièrement par les eaux de la montagne, ces eaux passant toujours sur le même point, ont creusé des ravins sur la terminaison d’une couche du terrain diluvien.

Une même langue

On parle dans le village deux langues bien distinctes: le français, employé rarement entre habitants du pays et le patois, idiome expressif, cher à toute personne qui aime le lieu où elle est née, cher surtout à celui qu’une circonstance quelconque a éloigné de la montagne. L’amour de cette langue se retrouve parmi tous, femmes, vieillards, enfants, savants ou ignorants. À Paris, à Toulouse, en quelque lieu qu’il soit, le montagnard est heureux lorsque, dans l’intimité, il peut s’abandonner à une de ces causeries qui lui rappellent son pays, ses parents et les mille souvenirs de son enfance, et principalement lorsqu’il peut reparler la langue que sa mère lui a enseignée au berceau.

Dans les campagnes surtout, la langue française est très peu en usage ; on le comprend, mais on ne s’en sert pas. On éprouve même quelque répugnance à écouter la conversation d’une personne du lieu qui parle français; un étranger sera goûté quelque langue qu’il parle, on le renseignera, on le choiera même au besoin ; mais on désignera sous le nom de « franchimant » tout homme du pays qui se fait une habitude de parler français.

Il est vrai que notre idiome ou patois se plie très facilement aux nécessités du langage, à l’art de bien exprimer sa pensée, qu’on s’en passe difficilement lorsqu’on à l’habitude de la parler ordinairement. Les diminutifs et les augmentatifs y sont échelonnés de telle sorte qu’on ne peut guère les remplacer par des expressions françaises ; beaucoup de noms communs ne peuvent même avoir leur synonyme français. Or, peut le rendre dur ou doux à volonté, outrager une personne d’un coup de langue par une expression barbare ou la flatter, la caresser par une parole douce, élégante et sonore.

Dernièrement une femme querelleuse et grincheuse se disputait avec sa voisine, personne nerveuse, petite et malingre, médisante au plus haut degré et pleine de malice. La première fit d’elle en quatre mots un portrait d’une réalité saisissante ; elle l’apostropha en l’appelant: « Bipèro enfectado, mouscaillounot baisat »Je traduis imparfaitement : vipère infectée, venimeuse; très petit moucheron qui tourmente les animaux domestiques.

On parle dans le canton deux dialectes assez distincts pour la prononciation. L’un a la terminaison du féminin singulier en A, c’est celui du haut des vallées, l’autre en 0, c’est celui de la vallée de Luchon et de la ville. Ici nous parlons l’idiome de Luchon. C’est dit-on une corruption de l’ancienne langue romane. On y remarque l’absence du V remplacé par le B ; de l’X remplacé TS. Ainsi vérité fait bertat, vipère fait bipèro, exemple fait etsemplé.

Une même rivière

La Neste de Larboust est la seule rivière qui touche au territoire de la commune. Elle porte encore le nom de One qui lui vient, dit-on, des Onésiens qui habitaient le pays durant la domination romaine.

Cette rivière borne notre commune sur une étendue d’environ 1 kilomètre, mais son lit est si profondément encaissé entre les montagnes de Cazarilh et de St Aventin que les territoires environnants ne peuvent guère être irrigués par ses eaux. Le débit de la Neste varie notablement en raison des périodes sèches ou pluvieuses qui sévissent dans la région. Ainsi, tandis qu’en septembre et en octobre ce cours d’eau ne forme qu’un simple ruisseau fournissant à peine 250 litres par seconde, en mai et juin, ses nombreuses ramifications, changées souvent en torrent impétueux lui font acquérir une puissance considérable évaluée souvent à un débit de 1800 litres. Il arrive même que les ponts jetés sur ses rives sont emportés par la violence de la crue et que les terres d’alluvions qui l’avoisinent dans certains points sont profondément enlevées et transportés vers les vallées basses où elles s’accumulent au fond du lit de la rivière qu’elles font déborder.
Ces crues n’ont qu’une importance secondaire pour Cazarilh car le lit est profondément encaissé entre les montagnes sur la partie de notre territoire que baigne la Neste; mais que de ravages elles causent souvent dans les communes voisines, car la rivière, parcourant des vallées assez fortement inclinées, acquiert une force qu’aucun obstacle ne saurait maîtriser; elle change de lit, emporte une bonne partie des terrains environnants, renverses ponts, digues et constructions de manière à semer la désolation sur ses rives.
La terrible inondation de 1875 sera à jamais mémorable, celle de 1884 doit aussi être considérée comme des plus funestes. La première emporta plusieurs ponts, notamment celui de Mousquères qui relie, au sud, notre commune à celle de Luchon. Ce pont ne datait pas de trente années quand il fut détruit. Renversé en bloc au milieu du torrent impétueux, il ne dut sa perte qu’à la quantité considérable d’arbres qui s’étaient accumulés dans son arche.

Une même météo

Le vent dominant est celui de l’ouest ; c’est lui qui amène le plus souvent la pluie ; on le désigne ici sous le nom de Bigourdan parce qu’il vient de la direction de Bagnères-de-Bigorre. Celui du sud-ouest amène le plus ordinairement les orages.

Le vent d’Espagne produit sur l’organisme des phénomènes singuliers. Soufflant du sud ou du sud-ouest, il est lourd, chaud et énervant. Il cause un malaise général : lassitude, douleurs, pesanteur de la tête, soif ardente.

Ce vent dure heureusement peu de temps et se termine ordinairement par des orages.

Nous avons dit que les nuages jouent un grand rôle dans le climat de Cazarilh ; il est à peu près reconnu que le ciel est couvert chez nous pendant plus de la moitié de l’année; ils sont d’ailleurs souvent d’une importance pratique tout à fait remarquable pour la détermination du temps qu’il fera durant la journée.

À Cazarilh, il est facile de prévoir dès le matin si l’on peut compter sur un beau jour. Si au lever du soleil les aiguilles du Port de Venasque se détachent nettement sur un ciel bleu, c’est signe d’une belle journée; si le brouillard se monte à un niveau moins élevé que les aiguilles, c’est encore signe de beau temps ; mais si les pointes rocheuses sont enveloppées, invisibles, si elles ont le « chapeau », en un mot, neuf fois sur dix il pleuvra dans la journée.
Si dans la matinée le brouillard s’élève par flocons du fond de la vallée et qu’il se traîne sur le sol et sur les sapins de Superbagnères, il pleuvra dans quelques instants.
Si l’orage vient du sud ou de l’ouest, même de l’est, on ne doit guère le craindre à Cazarilh ; s’il vient du nord ou du nord-ouest, trois fois sur quatre il est désastreux.

Les pluies sont assez rares en été; mais pendant le printemps et l’automne, elles sont souvent si persistantes que les travaux agricoles en souffrent réellement. À ces époques le temps est pluvieux pendant des mois entiers; mais durant l’été, les pluies durent rarement pendant une journée entière. Durant les mois de juin, juillet, août et septembre, il y a eu en 1884 quarante et un jours pluvieux; mais ce nombre est plus que doublé pendant les mois de mars, avril, mai, octobre et novembre.

Le thermomètre ne descend pas à Cazarilh au-dessous de + 7°, du mois de juin au mois d’octobre, aussi ne gèle-t-il jamais ici durant l’été, à plus forte raison, il n’y tombe pas de neige ; mais il n’en est pas de même quant aux montagnes et aux crêtes qui nous environnent. Tous les ans, en plein mois d’août, on voit après un peu de pluie, les cimes les plus élevées se couvrir de neige; le thermomètre se tient alors ici sur + 10°.

Les costumes 1834-1880

Costumes populaires – Epoques 1834-1880
Jean-Claude Carsalade – Document sans indication de lieu et de date
Fascicule dactylographié de 4 pages illustré de 16 planches originales

 Extraits

Les vêtements étaient l’œuvre de tous aussi bien des hommes que des femmes, adaptés à leur mode et conditions de vie.
Les femmes filaient le lin ou la laine, ensuite tissaient sur des métiers très rudimentaires, les hommes maniaient les ciseaux et aiguilles. Les étoffes étaient lourdes, épaisses mais faisaient un vêtement confortable et surtout très sain, les fibres étant naturelles.

Costume féminin
Les femmes portaient la coiffure appropriée de l’époque dite « en bandeaux » qui se terminait soit par un chignon dans la nuque soit comme dans le val d’Aran par une tresse embellie de rubans multicolores… On réservait la coiffe pour les jours de foire, de fêtes ou les dimanches pour assister à la messe.
Ensuite, elles posaient délicatement le « capulet », pièce de tissus mérinos carrée gansée d’un ruban en velours noir.
L’hiver, le mantel, grande pièce rectangulaire de bure blanche gansée d’un velours bleu, que l’on pouvait voir sur les femmes de St Bertrand de Comminges servait à la fois de capulet et de manteau.
Le vêtement proprement dit se composait :
– du casabe, veste cintrée courte à manches longues, remplacée le plus souvent l’été pour les travaux des champs par une grosse chemise de lin sur laquelle s’ajoutait le caraco, gilet sans manche ;
– d’une jupe rayée bicolore comme dans tout le Comminges ou unie montée à tous petits plis.
Aux pieds, elles portaient suivant la saison des espadrilles de corde, des « abarcas » (sandales de cuir spéciales au Val d’Aran), des sabots et très souvent elles allaient pieds nus. Le soulier était un objet de luxe.

Costume masculin
Les hommes portaient un costume plus rudimentaire : une grosse chemise de lin, un gilet, un pantalon ou une culotte tous deux à pont, parfois une paire de guêtres en laine naturelle ou en bure ou plus simplement de grosses chaussettes également en laine écrue.
La chemise en lin très souple, plissée sur le devant, avec de grandes manches, constituait le vêtement de base typique du paysan de l’époque.
Les hommes portaient la culotte ou le pantalon datant de la révolution. Pour maintenir le pantalon, le paysan enroulait autour de sa taille une large ceinture de flanelle, rouge, bleue ou blanche, appelée la « taillole », qui avait aussi pour utilité de maintenir les reins.
L’hiver, les hommes mettaient une cape de bure avec un grand capuchon marron.
La coiffure des hommes consistait le plus souvent en un grand bonnet rouge ou noir appelé dans le Val d’Aran la « baratine ». Toutefois l’on portait également le chapeau à larges bords ; dans le Luchonnais, on trouvait le Tricorne. Le béret est apparu bien plus tard.
Leurs chaussures étaient semblables à celles des femmes, sauf pour certains montagnards qui portaient des souliers en bois à semelles à pointes apparentes qui leur permettaient de travailler et vivre dans la haute montagne (chasse, travail du bois, contrebande).

La légende de St Aventin

Chap03cLe Saint Bondissant (d’après Ph Terrancle)

Le jeune Aventin était, en cette fin du VIII ème siècle de notre ère, pâtre au village de Sainte-Marie, en vallée de Larboust. Confronté à la domination des Maures et aux tentatives de prosélytisme de l’islam, le jeune chrétien, qui vivait en ermite dans le val d’Astos, prit son bâton d’apôtre et se mit à porter la bonne parole à travers le haut Comminges. Traqué par les Maures qui avaient, à juste titre, pris ombrage de sa volubilité évangéliste, le jeune Aventin se retrouva acculé, aux environs de la tour de Castel-Blancat, au bord de l’abîme. Sûr de sa bonne étoile, le saint homme en devenir s’élança et retomba, après un bond miraculeux, quelque deux cent mètres plus bas, sur une pierre qui porte depuis la trace de son pied. Après l’avoir rattrapé, ses poursuivants trouvèrent plus sûr de décapiter Aventin. A peine fut-il supplicié que le jeune pâtre prît sa tête dans ses mains et s’en fut trépasser à l’endroit précis qui avait vu son atterrissage depuis les hauteurs de Castel-Blancat. Inhumé sur place, Aventin tomba dans l’oubli.
Tout en serait resté là sans l’obstination d’un taureau qui, trois siècles plus tard, grattait fiévreusement le sol de son sabot. Intrigués, les gens du village de Sainte-Marie, découvrirent, ensevelis à l’endroit que le destin leur indiquait, les restes d’un corps avec la tête détachée du tronc. L’évêque de Saint-Bertrand de Comminges fut alerté, les restes authentifiés : c’était bien ceux du jeune pâtre qui avait défié les Maures et l’avait payé de sa vie. La dépouille, miraculeusement conservée, fut chargée sur un charroi, et les boeufs allèrent d’eux-mêmes jusqu’au village de Sainte-Marie. On décida de la construction d’une église à l’endroit où ils s’étaient arrêtés. C’est depuis ce jour béni du XI ème siècle que Sainte-Marie s’appelle Saint-Aventin, en hommage à l’apostolat de l’un de ses enfants décapité pour sa foi et sa ferveur.

La tour de Castel Blancat

Extraits du site de l’Association des Amis de Castel Blancat

Intentions
L’Association des Amis de la Tour de Castel-Blancat a pour objet le sauvetage, la sauvegarde, l’animation du site de la Tour et sa mise en réseau avec les autres éléments du patrimoine bâti et naturel des vallées du Haut Comminges. L’action et la détermination des membres de l’association doivent permettre d’inclure ce site dans un itinéraire culturel, touristique, reflet de la synergie possible entre des éléments bâtis ( églises romanes peintes, petit patrimoine rural remarquable, mobilier urbain, autres tours « à signaux » …) et des éléments naturels ( parcours botaniques …) .Ce dossier constitue la première étape de son action. Il présente un état des lieux du bâti et témoigne d’une indispensable intervention pour la sauvegarde de ce patrimoine en péril et dangereux …

Légende
Castel-Blancat est le lieu de la légende de Saint Aventin. Emprisonné par les Maures, il s’évada, s’envola dans les airs et retomba en contrebas où l’on voit encore l’empreinte de son pied dans un granit devant la chapelle de Pons. Rattrapé par ses ennemis, il eut  la tête tranchée non loin de la chapelle à l’endroit où a été érigée une stèle  qui renferme une statuette le représentant avec sa tête entre ses mains.

Description
Très belle construction de pierres prises à la montagne, maintenues par un mortier gris clair très résistant, auquel elle devrait son nom de Blancat, la tour avait encore ses quatre murs en 1880, d’après le témoignage et le dessin de Maurice Gourdon. Elle s’élevait encore à une hauteur de 10 à 12 mètres, et possédait à l’origine quatre étages, surmontés de la plate-forme habituelle. En 1904, vingt-cinq ans plus tard, le mur Ouest manquait totalement et seule subsistait la voûte du premier étage.Castel-Blancat est une des douze tours « à signaux » du haut Comminges qui offraient un système d’alerte collectif contre invasions et pillages, laissant ainsi aux populations locales le temps de se protéger. Cette tour communiquait avec celles d’Oo, de Gouaux, de Sarrat de Soupère.

Éléments historiques
La Tour, du fait de sa construction remonterait au XIIe siècle, âge d’or de la féodalité commingeoise, et, plus qu’une tour « à signaux », elle est le vestige impressionnant d’un ensemble féodal, d’un château dont on devine la triple enceinte à travers les broussailles, bien protégé sur son éperon rocheux par son mur de ronde et ses « castra », petites constructions réservées aux serviteurs et aux soldats.
A l’entrée de la vallée d’Oueil, une des plus belles vallées glaciaires de la zone axiale des Pyrénées, le château de Castel-Blancat veillait sur toute la vallée, entièrement fermée jusqu’à la fin du XIXe siècle.
En effet, de sa création en 979, à son rattachement à la couronne de France sous Charles VII en 1443, le comté de Comminges possédait des châtellenies dans ses hautes vallées. En l’absence du Comte qui ne pouvait aller partout, des châtelains et capitaines gardaient les privilèges comtaux, assuraient la garde, la défense, et l’entretien du château.
Ils avaient en outre la garde des forêts comtales, des droits de chasse et des pouvoirs administratifs et de justice. Ainsi, c’est encore, en 1435, au châtelain de Castel-Blancat qu’est demandé de faire respecter la sauvegarde comtale de la vallée d’Oueil. Un des derniers comtes, Bernard VIII, qui a laissé l’inventaire des châtellenies en 1336, avait accordé en 1316 une charte à Saccourvielle, donnant des privilèges à la création de magistrats municipaux ou consuls. Malheureusement, ces consuls ne surent pas protéger le château qui fut vendu par le dernier châtelain à M. Vidau de Sapène de Trébons, en échange d’argent pour réparer le toit de l’église et creuser un puits communal à Saccourvielle. Depuis cette époque, le château de Castel-Blancat a échappé à la commune de Saccourvielle qui n’a donc pu, jusqu’à ce jour, le sauver de la ruine et du pillage, malgré une tentative en 1893 puis en 1974.

Travaux réalisés en 2000
I – Travaux d’accès pour le transport des matériaux
II – Travaux intérieurs
Terrassements, évacuation et stockage des pierres effondrées des étages à l’intérieur de la tour. Recherche, éventuelle, des anciens sols. Mise en place d’un échafaudage tubulaire, type  » entrepose  » avec piétement réglable. Celui-ci sera élevé en forme d’étaiement jusqu’à la naissance de la voûte en berceau. Cette dernière sera prise en poids à l’aide de vérins ou à défaut à l’aide de calage sur un cintre en bois. Après s’être assuré de la stabilité de l’étaiement, on pourra débuter le processus de dépose et de stockage des éléments qui composent la voûte. La dépose s’effectuera sur un mètre environ de part et d’autre de l’axe de la voûte en prenant soin de ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire, tout en sachant que les voussoirs restants doivent avoir une stabilité parfaite après le démontage de l’étaiement. Mise en place de tirants métalliques, pour relier la façade Nord à la façade Sud, pour stabiliser la fissure de la façade Est et pour retenir la base de la façade Sud qui s’ouvre dangereusement à sa partie inférieur. La fixation de tirants à travers les murs sera facilitée par de nombreux passages, déjà existants dans l »épaisseur des maçonneries. Le nombre de tirants sera déterminé sur place en tenant compte des désordres que l’on aura pu découvrir suite à l’avancement des travaux.

III – Travaux façade Nord
L’excavation de la partie basse sera reconstruite en pierres assistées, à l’identique des maçonneries existantes, au mortier de chaux grasse, en respectant les mêmes teintes que les mortiers d’origine.

IV – Travaux angle Sud-Est
L’angle Sud-Est, ayant subi une démolition de son parement de pierre, dans sa partie inférieure, sera lui aussi reconstruit en pierres assistées, à l’identique.

V – Travaux tête de mur, angle Sud-Ouest
Après avoir fait les sondages nécessaire pour retrouver les traces d’implantation des maçonneries de l’angle, il est, nécessaire de :
– rebâtir la tête de mur manquant à la partie gauche de la façade Sud
– reconstituer l’angle du mur jusqu’à la hauteur du surplomb de façon à consolider cette partie de maçonnerie qui menace dangereusement la stabilité de l’édifice.
Le retour de façade Ouest sera arrêté de façon irrégulière en s’inspirant du retour gauche de cette même façade. L’ensemble de cette reconstruction est effectué à l’identique.

VI – Façade Est
Elle sera échafaudée jusqu’au faîte du mur de façon à la purger de tout élément instable sur le périmètre supérieur de l’enceinte.
On procédera ensuite à une étanchéité sur toute cette partie à l’aide de mortier de chaux pour prévenir toute infiltration dans les épaisseurs des murs. Grâce à cet échafaudage, il sera possible de boucher superficiellement la fissure verticale de la façade.
On emploiera un mortier de chaux grasse comme au préalable en évitant tout essai de reprise de parement en pierres. Ceci ne ferait que désorganiser l’appareillage actuel.

VII – Façade Ouest
Les deux retours étant marqués et l’intérieur de la tour étant nivelé, au niveau du sol, on procédera au rangement dans ce lieu des pierres de la voûte préalablement déposées et stockées à l’extérieur.
Une fois cette manutention et ce stockage achevés, pour interdire l’accès et éviter le vandalisme à l’intérieur de la tour, une grille sera scellée entre les deux tête de mur dans l’alignement de la façade Ouest. Un portail sera mis en place pour favoriser l’accès à l’intérieur.
A l’issue du chantier, on veillera à la disparition des traces de terrassement et l’environnement de la tour sera réaménagé dans son état d’origine.

Bibliographie
Monographie de la Vallée d’OUEIL de Maurice GOURDON – 1910
Le Néthou : les étapes d’une conquête 1787 – 1842 de Pierre de GORSSE – 1942
Au pays de Luchon : contes et récits de la vallée d’Oueil de Suzanne LABRY – 1995

Le rapport Garroute (1864)

SOCIETE BOTANIQUE DE FRANCE

SESSION EXTRAORDINAIRE – TOULOUSE JUILLET 1864

Extrait du rapport de M. l’abbé Garroute sur l’herborisation faite le 19 juillet à ST Aventin et à Cazaril.

La fontaine ferrugineuse de Trébons

    … Nous arrivâmes enfin à de nouvelles prairies et nous nous disposions à les envahir lorsque nous nous aperçûmes qu’elles venaient d’être soumises à un système d’irrigation générale qui ne nous promettait qu’une fraicheur inutile, sans nous dédommager par quelque plante rare.

    … Peut-être eussions-nous pu récolter le Laserpitium Nestleri S. – Will. dans une prairie voisine, mais la faux y avait passé quelques jours auparavant et n’avait rien respecté.

    Je sais du reste par expérience que les propriétaires des environs aiment médiocrement les botanistes et j’ai pu me convaincre des efforts d’un des possesseurs de ces prairies pour détruire, non loin de la fontaine ferrugineuse de Trébons, le Lysimachia Otani Asso. Cette belle plante lui attirait trop de visiteurs à l’époque de ses foins, honneur qui lui devenait préjudiciable. Mais en dépit de ses efforts, leLysimachia reparaît toujours. D’ailleurs les botanistes ne doivent pas s’alarmer, car cette jolie primulacée s’est choisi, au mont St-Aventin, une station où elle est à l’abri de la faux et où nous la retrouverons bientôt.

La tour de Castel-Blancat

    … Notre récolte terminée et soigneusement logée dans nos boîtes, nous nous dirigeâmes vers Cazaril.

Le sentier qui y conduit passe à quelques mètres au-dessous de la tour de Castel-Blancat, dans la commune de Trébons.

    Lorsqu’on parcourt la chaîne des Pyrénées, de Port-Vendres à Bayonne, il n’est pas rare de rencontrer les ruines de quelques-unes de ces tours. Sur certains points elles sont même nombreuses, à l’extrémité des contre-forts des Albères, à Banyuls-sur-mer par exemple. Trop peu fortifiées pour servir de retraite ou de défense, elles semblent plutôt, par leur position, avoir servi de point de surveillance. Situées en effet au haut des vallées, elles forment autant de sentinelles avancées, chargées de veiller sur les cols ou passages des Pyrénées. Elles correspondent avec d’autres plus centrales qui recevaient sans doute, en temps de guerre, les signaux et les transmettaient au point où les forces étaient concentrées. Il serait difficile peut-être d’indiquer l’époque précise de leur construction ; quelques auteurs la font remonter aux temps de la lutte des Gaulois et des Romains ; d’autres à l’invasion des Sarrazins ou même à des temps moins reculés.

   Quoi qu’il en soit, la tour qui domine la vallée de Larboust a appartenu à ce système de tours-signaux. Elle n’offre plus que des murs en ruines…

La carte de Cassini (1815)

C’est à l’initiative de Louis XV, impressionné par le travail cartographique réalisé en Flandre, qu’est levée la première carte géométrique du Royaume de France. César François Cassini de Thury dit Cassini III, fils de Jacques, est chargé de réaliser ce travail à l’échelle « d’une ligne pour cent toises », soit 1/86400e.

La carte s’appuie sur le réseau géodésique que viennent d’établir (de 1683 à 1744) Jean-Dominique Cassini et son fils Jacques (père de Cassini de Thury). Les levées commencent en 1760 avec César François Cassini de Thury. Jacques Dominique Cassini fils de César François Cassini de Thury finit les levées en 1789. Il aura fallu 30 ans pour effectuer ce travail gigantesque.

La publication est retardée par les événements de la Révolution pour n’être achevée qu’en 1815.

Quatre générations de Cassini se seront consacrées à la réalisation de la carte qui servira de référence aux cartographies des principales nations européennes pendant la première moitié du XIXe siècle.

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