Appel à contribution
Tous ceux qui souhaitent partager des documents ou des témoignages sur le moulin de Trébons sont naturellement les bienvenus. Merci de contacter le webmaster (D. Gauchon) qui se chargera de la mise en ligne sur le site
Petit bâtiment discret de 16 m² en léger contrebas de la route du col de Peyressourde le moulin de Trébons avait longtemps été un lieu essentiel de la vie des habitants de Trébons et de Cazaril qui venaient y moudre le grain des céréales qu’ils cultivaient (blé, seigle, maïs et sarrasin). Lors de la seconde guerre mondiale, il avait connu une ultime heure de gloire en permettant aux habitants de continuer clandestinement à moudre de la farine pour faire du pain malgré les interdictions de l’occupant allemand mais peu après la fin de la guerre, il avait cessé toute activité.
Un événement dramatique avait bien failli signer son arrêt de mort en 1971 avec la construction d’un nouveau pont sur la Neste d’Oueil qui avait eu pour conséquence la destruction de la prise d’eau et du canal qui l’alimentait. Il avait fallu toute la persévérance du Maire, Pierre Caussette, pour obtenir de la DDE, à la fin des années 80, le rétablissement d’une alimentation en eau sous la forme d’une conduite enterrée d’une trentaine de mètres à partir d’une prise d’eau en aval du pont.
Entre temps, en 1977, le bâtiment s’était fortement dégradé et menaçait de s’écrouler. Après plusieurs demandes, une subvention de 11 208 F avait été enfin obtenue mais elle ne suffisait pas à financer les travaux estimés à 28 000 F. Il avait alors été décidé en 1979 de confier à une entreprise une partie des travaux (pour un montant de 11 499 F) et que le reste serait réalisé par les habitants du village.
Depuis lors, quelques opérations mobilisant les habitants du village avaient permis de temps en temps de maintenir le site et de veiller notamment à l’entretien de la toiture, marques de considération pour un patrimoine communal auquel les habitants restent très attachés. Certains se souviennent même d’avoir vu fonctionner le moulin lorsqu’ils étaient enfants et tous en ont évidemment entendu parler par leurs parents, leurs grands parents ou leurs voisins.
Pourtant le moulin gardait pour beaucoup une grande part de mystère car sa porte était naturellement fermée à clé, aucune ouverture ne permettait d’apercevoir l’intérieur et le système de roue horizontale était d’autant plus invisible… qu’il s’était couvert au fil des décennies d’une couche de vase de plus de 50 cm !
D’ailleurs, cette roue horizontale existait-elle encore ?
Pour répondre à cette question, un habitant du village a demandé au Maire, Pierre Jaussely, l’autorisation de procéder à un nettoyage de la partie basse du moulin. Il a vite été rejoint par d’autres habitants qui sont venus l’aider permettant ainsi, après le déblayage du canal de fuite et la remise en état des vannes, de pouvoir remettre progressivement au jour le cœur du mécanisme du moulin : une magnifique roue métallique de 86 cm de diamètre équipée de 24 pales incurvées de 21 cm de hauteur.
Il fallait encore comprendre comment marchait le moulin car le principe – simple en apparence – d’une roue en prise directe avec la meule ne peut pas fonctionner sans que la meule tournante soit légèrement soulevée pour ne pas être en contact avec la meule dormante. A cet effet, il devait nécessairement se trouver sous la roue une traverse en bois (appelée pontille) avec une extrémité fixe et l’autre reliée à un levier à l’intérieur du moulin…
Et en creusant un peu plus après avoir dégagé la roue, les « archéologues amateurs » découvrirent noyée dans la vase et les galets la présence d’une poutre en bois (sans doute du chêne), d’une longueur de 1,50 m, assez bien conservée, fixée dans le sol à son extrémité aval par deux pitons en fer : c’est manifestement sur cette poutre que repose la roue maintenue par une crapaudine. L’extrémité libre devait être reliée à un levier à l’intérieur du moulin : cette pièce en bois de 2,80 m dont se souviennent parfaitement les utilisateurs est encore présente dans le moulin mais fortement dégradée. Il restera à comprendre exactement son mécanisme… pour pouvoir reconstituer un ensemble fonctionnel.
Après cette campagne impromptue de « fouilles », une seule inconnue semble subsister : le flux naturel de l’eau n’étant pas suffisant pour faire tourner la roue, il faut imaginer qu’un système permettait de canaliser l’énergie motrice en dirigeant l’eau très précisément sur les pales. Il n’existe apparemment aucune trace de ce dispositif (appelé coursier) qui était probablement en bois et qui devait pouvoir se manœuvrer depuis l’intérieur du moulin afin d’actionner ou d’arrêter la rotation de la roue.
Pour mieux comprendre comment fonctionnait le moulin, il était également intéressant de rechercher des personnes l’ayant utilisé. On lira ici les propos de trois personnes qui s’en sont servi pendant la dernière guerre alors qu’elles étaient enfants et accompagnaient leur maman ainsi que d’une autre personne qui s’est servi beaucoup plus tard du moulin de St Paul à la fin des années 60.
Et maintenant ?
Les travaux qui ont été réalisés ont montré que le moulin reste un élément important du patrimoine communal permettant à chacun selon ses souhaits et ses possibilités de participer à la vie du village, y compris en partageant des témoignages d’un passé où chacun, enfants, parents et grands parents, retrouve ses racines. Car le patrimoine c’est aussi une question de mémoire collective qui nécessite de collecter des documents et des témoignages pour pouvoir les partager, ce qui est justement la modeste ambition de ce site.
Un entretien régulier sera nécessaire. Beaucoup pensent qu’il pourrait se faire sous la forme d’un chantier communal annuel auquel tous les habitants de Trébons (et de Cazaril ?) seraient conviés avec un moment de convivialité autour d’un pique-nique… Et l’hypothèse d’une remise en service au moins symbolique du moulin pourrait se concrétiser après une étude plus technique et un regard sur les autres moulins de la vallée qui fonctionnaient sur le même principe. Ainsi une visite rapide au moulin de St Paul d’Oueil (voir photos en annexe 3) a permis d’identifier de nombreux éléments communs et de mieux comprendre le mécanisme afin de faciliter la reconstitution du puzzle.
Daniel Gauchon – 25 août 2019
Annexes
1 – Le moulin de Trébons dans les délibérations du conseil municipal
Délibération 175 du 12/12/1962 – Demande de compensation au projet EDF d’une centrale au confluent des nestes d’Oueil et d’Oô qui capterait l’eau depuis Mayrègne : indemnité pour déficit d’irrigation, moteur électrique pour le moulin et électricité gratuite pour les riverains.
Délibération 256 du 24/10/1977 – Réparation du Moulin communal pour 19 923 F. Réfection de la toiture et d’une partie des murs. Demande de subvention.
Délibération 305 du 18/03/1978 – Nouveau devis et constat que la subvention n’a pas été accordée. Devis de 28 020,50 F : nouvelle demande de subvention et décision d’inscrire la part restant à la charge de la commune au budget courant.
Délibération 307 du 23/12/1978 – Financement des travaux au Moulin. Devis de 28 020,50 F. Subvention de 11 208 F accordée par la commission départementale. Part communale de 16 812 F sera inscrite au budget supplémentaire 1979.
Délibération 311 du 23/06/1979 – Travaux au Moulin : le devis s’élevant à 28 020,50 F il est décidé que 11 499 F seront confiés à une entreprise compte tenu de leur difficulté d’exécution et le reste réalisé bénévolement par les habitants
2 – Les images de la « campagne de fouilles » effectuée en août 2019
3 – Le moulin de St Paul d’Oueil
A 3 km en amont sur la Neste d’Oueil, le moulin de St Paul d’Oueil fonctionnait encore à la fin des années 60 pour moudre le maïs destiné aux animaux. Il ressemble comme un frère à celui de Trébons avec des meules de 120 cm de diamètre. Son système de levier actionnant une tige métallique pour soulever la meule tournante est encore présent et il reste un vestige du dispositif d’amenée d’eau sur les pales alors que le canal d’alimentation a complètement disparu. D’un diamètre de 90 cm, la roue possède 12 pales incurvées avec des renforts en partie supérieure et inférieure. Elle est reliée à la meule par un arbre de transmission en bois de section carrée (15 x 15).