Peu visibles dans le paysage des vallées d’Oueil et de Larboust, comme tous les moulins à roue horizontale, les moulins n’apparaissent guère non plus dans les problématiques traitées par les conseils municipaux au cours du 19ème siècle, sans doute car il s’agissait le plus souvent d’équipements privés.
Évoqués très succinctement dans les monographies communales de 1885-1886, c’est surtout sur les documents cadastraux qu’on retrouve la trace de leur présence.
Les moulins dans les hautes vallées pyrénéennes étaient pourtant au cœur de la vie des habitants pour au moins deux raisons :
1 – Les moulins à farine car le pain constituant la base de l’alimentation était produit sur place avec les farines des céréales qu’ils cultivaient ;
2 – Les moulins à scierie car une partie du bois des forêts était transformée sur place pour les usages locaux de construction des maisons et du mobilier.
Avant 1789 : les cadastres et livres terriers
Ce sont les documents les plus anciens sur le site des archives numérisées de la Haute-Garonne qui pourraient contenir des informations sur les moulins des vallées d’Oueil et de Larboust.
Ils dressent la liste de tous les propriétaires avec la nature et la localisation de leurs biens : maison, borde, grange, bâtiment rural, cour, jardin, champ, pré, terre, etc.
Les seuls facilement déchiffrables sont ceux des communes de Saccourvielle et Cazaux :
1 – Cadastre de Sercouielle de 1667 – Par Jean-Jacques Goujon, arpenteur de St Béat
2 – Livre terrier de la communauté de Sacourviélle en la vallée d’Oœilh en 1765 – Par Jean Bostian, arpenteur de Loudenvielle
3 – Cadastre de Cazaux de 1728 – Par Louis Gabriel Dupuy, arpenteur de Marignac
4 – Etat de section des propriétés bâties et non baties de Cazaux (non daté).
Hélas, sur ces documents, aucune référence à un quelconque moulin !
1789 : les moulins sur la carte de Cassini
Les moulins qui constituent la principale trace des activités humaines sur la carte de Cassini sont particulièrement nombreux dans les deux vallées où la pente des cours d’eau permettait d’enchaîner plusieurs moulins sur de courtes distances.
Ils sont identifiés par un symbole en forme de roue dentée et notés ici d’un point jaune sur la carte pour plus de lisibilité.
– 27 moulins en vallée d’Oueil : Bourg (2), Cirès-Caubous (7), Mayrègne (5), St Paul (6), Sacourvielle (5 dont 4 curieusement situés au cœur du village), Trébons (2 apparemment mal placés sur la carte)
– 41 moulins en vallée de Larboust : Jurevielle (2), Portet (2), Garen (8), Gouaux (8), Oo (8), Castillon (7), St Aventin (5)
Outre l’orthographe particulière de certains noms (Garen, Montajou, Pobiau) on notera en cette veille de Révolution la noble appellation de « Cazaril de las Pennes ».
La carte de Cassini ou carte de l’Académie des Sciences est la première carte topographique et géométrique établie à l’échelle du royaume de France dans son ensemble. Quatre générations de Cassini se sont succédé pour réaliser ce travail initié sous Louis XIV par Colbert en 1668 et dont la phase finale de relevés a pris plus de 50 ans entre 1733 et 1789. Les levés de la feuille n°76 « Bagnères de Luchon – Barèges – Bagnères de Bigorre » ont été effectués entre 1772 et 1778.
1809 : l’enquête du Bureau des Subsistances
Sur instructions
du Bureau des Subsistances du Ministère de l’Intérieur, un état complet des
moulins à farine est établi en 1809, par canton, avec un récapitulatif départemental.
Cet état précise notamment le type (à eau, à
vent), le nombre de » tournans « , c’est-à-dire de paires de meules,
l’origine des meules, le type de mouture (à la lyonnaise, à la parisienne ou
économique).
Enquête consultable aux Archives nationales
Annexe n°2 et F20 296.
Les éléments accessibles sur internet à propos de cette enquête ne sont pas tous concordants… ni faciles à exploiter.
Selon un tableau qui figure dans un article de Claude Rivals paru dans La Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest (1984), il y avait en 1809 en France 48 906 moulins à roue verticale, 33 810 moulins à roue horizontale et 15 357 moulins à vent. Cette étude met surtout en évidence une très forte disparité entre le nord et le sud concernant les moulins à eau : au sud, pays de langue d’oc, dominent les moulins à roue horizontale (81%) alors qu’ils sont très peu présents au nord (11%). Pour les huit départements des Pyrénées et du piémont pyrénéen, le taux monte même à 91% de moulins à roue horizontale malgré l’exception des Hautes Pyrénées (55%).
Roue horizontale ou roue verticale
Il paraît logique de penser que la roue horizontale, qui est restée en usage jusqu’à l’époque contemporaine dans certaines régions et dont le mécanisme est le plus simple, – la meule mobile étant montée directement sur l’axe de la roue à pales – a été la première employée.
Et pourtant, toutes les images médiévales de moulin à eau ne montrent que des roues verticales alors que les plus anciens témoignages certains de roues horizontales ne datent que du 16ème siècle.
La séparation entre moulins à roues verticales et horizontales semble trouver ses sources dans les différences de féodalisation entre le Nord et le Sud de la France dès la chute de l’Empire romain. Au nord, les défrichements, les travaux de canalisation des rivières et toute une politique d’exploitation de l’espace ont favorisé l’implantation de moulins collectifs d’une puissance plus importante que les « rouets » méridionaux, adaptés par leur technique à une production plus familiale.
Il est probable que la plupart des moulins sur les petites rivières des vallées pyrénéennes ont ainsi été construits dès le moyen-âge avec un mécanisme constitué de pièces en bois, autant pour la roue elle-même que pour l’arbre de transmission.
A gauche, la roue du moulin de St Paul (diamètre 90 cm avec 12 pales incurvées de 18 cm de haut) d’apparence relativement rustique et dont l’arbre de transmission est une pièce de bois de 15 cm x 15 cm.
Avec l’amélioration de la maîtrise des forgerons, on peut penser que la roue et l’arbre ont pu être réalisés au 19ème siècle en métal, d’autant plus qu’il existait dans la région des forgerons particulièrement habiles, comme la famille Mengarduque de Saccourvielle qui fabriqua de nombreuses horloges d’édifices entre 1876 et 1914.
A droite, la roue du moulin de Trébons (diamètre 86 cm avec 24 pales incurvées de 21 cm de haut) est l’exemple d’une parfaite maîtrise du travail du forgeron.
1837 : les moulins sur le cadastre napoléonien
Une loi du 15 septembre 1807, complétée par un règlement impérial du 27 janvier 1808 met en place le cadastre napoléonien. Sa confection a débuté dès 1808 pour s’achever vers 1850. La feuille de Trébons est datée de 1837.
On y découvre, dans le quartier de « la Gleyso », en bordure de la « Rivière de Laune », la présence de deux moulins à Trébons : le « Moulin de dessus » qui a aujourd’hui disparu, dans l’angle nord-ouest de la commune, et le « Moulin de daouat » qui correspond au moulin actuel.
En venant de Bagnères de Luchon, on traversait le « Ruisseau de Larboust » au « Pont det Miech ».
Pour se rendre à Trébons, on montait directement par le « chemin d’Artigue » et on passait par la « Borde de la Gleyso » juste en-dessous de l’église…
Pour aller vers la vallée d’Oueil ou la vallée de Larboust, il fallait traverser la « Rivière de Laune » au « Pont de Dessus »… sinon, en suivant le « Chemin du Moulin », on arrivait au « Moulin de daouat » et on montait alors vers le village par le « Chemin du Moulin de dessus » qui est devenu la route départementale 51A.
On notera le « Chemin d’Artigue-Bajard », actuel chemin de la source ferrugineuse, qui conduisait à des granges situées au bord de « Laune » sur la commune de Sacourvielle.
Le Moulin de daouat ou « moulin du bas »
Pour comprendre la signification de l’appellation « daouat », il suffit de porter un regard sur les autres toponymes de la région. On y voit que le terme « debat » apparaît pour indiquer des lieux qui sont « en dessous » ou « en bas ».
Ainsi sur la carte de Cassini, en vallée d’Oueil, le village de Benqué apparaît avec ses deux déclinaisons « dessus » et « de Bat » correspondant aujourd’hui à Benqué-dessus et Benqué-dessous. De même sur le cadastre de Trébons on voit dès 1837 des lieux appelés Debat Cado et Hount Debat correspondant aux parties basses de la commune.
Il y avait peut-être une nuance avec les formes « daouat » ou « daouach », mais à Trébons comme à Saccourvielle, il s’agit bien du moulin du bas par rapport au moulin du haut, lequel est désigné dans les deux cas par « moulin de dessus ».
D’ailleurs à Trébons, le pont le plus bas qui était appelé « Pont de Daouat » sur le cadastre de 1837 est devenu « Pont de Debat » sur le cadastre de 1933, puis « Pont de Debach » sur la carte IGN de 1950 et encore actuellement, signe de l’équivalence de ces termes.
Quant à celui qui était nommé « Pont de Dessus » en 1837, il a dû être logiquement débaptisé avec la création d’un nouveau pont en amont lors de l’ouverture de la route thermale en 1842 !
Nota : le pont du milieu, appelé en 1837 « Pont det Miech », devenu en 1933 « Pont de Niech » est maintenant nommé « Pont de Miey » .
Les autres moulins d’Oueil et de Larboust
Par rapport à la carte de Cassini, il semblerait que le nombre de moulins ait diminué mais il est difficile de comparer car la définition de la carte de 1789 est bien moindre que le cadastre de 1837 où l’on peut localiser avec une grande précision 20 moulins en vallée d’Oueil et 29 dans le Larboust.
A Bourg, trois moulins sur la Rivière de la Neste (moulin de la Mole, moulin du Pont, moulin de Moco Poqua)
A Cirès, quatre moulins dont un « moulin à scie »
A Caubous, deux moulins sur la Rivière de la Neste
A Mayrègne, deux moulins sur la Rivière de la Neste
A St Paul, trois moulins dont celui qui existe encore près du hameau de Maylin
A Benqué, un moulin sur le Ruisseau de la vallée d’Oueil ou Rivière de l’One
A Saccourvielle, il n’y a plus de moulins au cœur du village, mais trois au bord de la Rivière de Laune : le Moulin de Dessus, le Moulin de Lasjoux, le Moulin de Daouach, situés tous les trois sur le même canal de dérivation.
A Trébons, deux moulins en bordure de la Rivière de Laune, le Moulin de dessus et le Moulin de daouat
A Gouaux, trois moulins sur le Ruisseau de Gouaux
A Oô, quatre moulins sur la Rivière de la Neste à partir d’une même prise d’eau se divisant en quatre canaux, sur la zone où sont maintenant les courts de tennis.
A Jurvielle, trois moulins sur le ruisseau de Labach ou de Samondère (moulin de Lias, moulin du Pont, moulin d’Arbouch)
A Portet, trois moulins sur le ruisseau de Labach ou de Samondère (aujourd’hui Ruisseau du Portet)
A Poubeau, deux moulins sur le Ruisseau de Portet
A Cathervielle, deux moulins en série sur un même canal de dérivation
A Garin, six moulins sur le Ruisseau de Portet, dont trois en série sur un même canal de dérivation
A Cazaux, un moulin
A Castillon, deux moulins sur le « Ruisseau de L’arboust »
A St Aventin, trois ou quatre moulins regroupés sur deux sites dont celui qui a été récemment restauré à côté de la prise d’eau de la centrale hydroélectrique, près du Pont du Moulin, sur la route des granges de Gourron.
1885-1886 : les moulins dans les monographies communales
Les monographies communales ont été rédigées entre 1885 et 1886 par les directeurs des écoles primaires du département, sous l’impulsion du Conseil départemental de l’instruction publique. Elles sont consultables sur le site des Archives départementales de la Haute-Garonne.
La plupart évoquent les moulins (sauf celle de Oô) et donnent parfois une information sur leur statut :
– Propriété de particuliers comme à Jurvielle, Cathervielle et Garin, ou encore à St Aventin où les moulins figurent dans la liste des artisans de la commune, ce qui semble indiquer qu’il s’agit d’un meunier « professionnel » (confirmé par le témoignage de J. Mure de Cazaril).
– Propriété en commun sous forme d’indivision comme à Bourg, Caubous, Cirès, St Paul, Cathervielle et Castillon, chacun participant aux dépenses d’entretien
– Propriété communale dans un seul cas, à Portet, où il est précisé que c’est la commune qui entretient les deux moulins.
A Cathervielle, l’état de sections de 1838 mentionne 3 moulins :
– deux en indivision (parcelles 268 et 272) sur le ruisseau de Portet associant chacun 9 propriétaires possédant 1/12 ou 2/12,
– un appartenant à un particulier (Jean-Bertrand Fontan) dont la parcelle 568 se trouve sur le ruisseau de Cathervielle en amont du hameau de Malet.
On peut penser qu’à Trébons, le « Moulin de daouat » était déjà communal et utilisé aussi par les habitants de Cazaril, bien qu’il n’existe à son sujet aucune mention de dépense d’entretien dans le registre des délibérations du conseil municipal au 19ème siècle. Quant au « Moulin de dessus » dont il ne reste aucune trace, il était construit sur un terrain appartenant aujourd’hui à un propriétaire privé, mais la voie d’accès appelée « Chemin du Moulin de dessus » semble évoquer un usage collectif. Hypothèses à confirmer en consultant les titres de propriété.
Monographie de Bourg d’Oueil – 1886 – Par Jean Sens, Instituteur
« Les terres sont en général peu fertiles et on n’obtient une récolte satisfaisante qu’à force de fumier. L’orge est la seule céréale qui récompense l’agriculteur de ses peines ; aussi sème-t-on peu de blé, de seigle, de méteil et de sarrazin. Les autres productions principales sont les pommes de terre, les lentilles et les pois. Chaque famille récolte aussi le chanvre et le lin nécessaires à la fabrication du linge de maison.
Deux petits moulins possédés en commun par les différentes familles et mis en mouvement par les eaux de la Neste suffisent amplement pour moudre le grain nécessaire. Un petit moulin à scie bâti en amont des deux autres divise en planches les quelques roules qu’y apportent les habitants. Un scieur étranger y travaille deux fois par an au printemps et en automne. »
Monographie de Caubous – 1885 – Par Mme Anna Laurens, Institutrice
« Le seul cours d’eau un peu considérable est la Neste… Son débit varie aux diverses époques de l’année. Une pluie le grossit beaucoup, un fort orage en fait une rivière redoutable qui se précipite avec un fracas considérable, déborde sur les prairies et abîme tout sur son passage. Lors de l’inondation de 1875, les moulins et les ponts furent emportés et les prés se ressentent toujours de l’ensablement qui eut lieu.
Deux moulins sont possédés en commun et chaque maison s’en sert à tour de rôle. On cuit chez soi son pain de seigle, de méteil ou de blé. Plusieurs brebis sont engraissées et salées pour constituer le fond de la cuisine. Avec le porc salé, les légumes et le laitage, elles sont la nourriture habituelle. »
Monographie de Cirès – 1886 – Par Jean-Bertrand Laurens, Instituteur
« Plusieurs familles possèdent en commun un moulin et s’en servent à tour de rôle. Le pain est de méteil et souvent du blé le plus pur. On se nourrit en général simplement mais substantiellement parce que tout le monde sans exception est dans une aisance relative. Le fond de la cuisine se compose en majeure partie de laitage, de légumes, de porc et de brebis salés. On fait dans les repas un usage très modéré de vin. »
Monographie de Mayrègne – 1886 – Par Jean-Fulgence Arrieu, Instituteur
« Au point de vue de la culture des champs, l’assolement triennal est le seul adopté. Telle est la division : 1ère année, seigle et blé ; 2ème année, orge et avoine ; 3ème année, sarrazin et pommes de terre.
Mayrègne n’a ni carrières, ni mines exploitées, point d’usines ni manufactures, deux moulins et une scierie mis en mouvement par l’eau suffisent aux besoins de la population. »
Monographie de St Paul d’Oueil – 1885 – Par Hilaire Cazeneuve, Instituteur
« La commune possède une carrière de marbre près de Maylin mais elle n’est point exploitée.
Elle possède trois petits moulins situés sur l’One. Ces moulins sont indivis et chaque propriétaire use de son droit pour moudre son grain. Les dépenses pour l’entretien sont payées au prorata. Elle possède également une scierie. »
Monographie de Saccourvielle – 1886 – Par Jean-Marie Vidailhet, Instituteur
« Autour du village et au-dessus s’étend la terre labourable, terre légère et sablonneuse qui se couvre en été de belles moissons de blé, de seigle, d’orge, de maïs et de sarrazin.
C’est à l’aide de vaches qu’on laboure le sol. Elles traînent la traditionnelle charrue de bois en automne… La culture fait peu de progrès, c’est à peine si l’on fait l’acquisition de quelques batteuses. On emploie pour couper la moisson la primitive faucille et pour couper les fourrages, la faulx. L’exploitation se fait à dos de cheval.
Quatre moulins mis en mouvement par l’eau du torrent servent à moudre tout le grain nécessaire à la consommation des habitants. Tout à côté se trouve une scierie mécanique où sont conduits les roules de la forêt et qui se transforment en belles planches. »
Monographie de Trébons – 1886 – Par Anne-Marie Laurens, Institutrice
« Le village est relié à la route thermale N° 1 qui va de Bagnères-de-Bigorre à Bagnères-de-Luchon par le chemin vicinal N° 1, Réseau subventionné, qui est loin d’être terminé, mais qui permettra aux habitants de transporter plus facilement les denrées au chef-lieu du Canton. C’est par ce chemin que sont exploitées les prairies qui s’étendent sur le bord de l’One, ainsi que le moulin à farine situé sur le bord de la route thermale N° 1. »
Nota – Dans la monographie de Trébons, il est également fait état d’un jugement du 28 juillet 1668 ainsi libellé : « Ce jugement admet le dit Sieur Sapène à produire le titre de propriété d’une scierie qu’il possédait sur la rivière du Larboust, et des droits d’usages par lui prétendus sur les forêts et montagnes de la dite vallée. Faute de production de titres, le jugement lui accorde la faculté de conserver ses droits moyennant une redevance de six livres par an. »
Monographie de Portet – 1886 – Par Pierre-Jean Fourment, Instituteur
« Le pain de la commune est très noir ; cela doit tenir sans doute aux propriétaires qui vont moudre eux-mêmes à deux moulins situés à deux pas du village. Ces deux moulins appartiennent à la commune et sont entretenus par elle. Les meules sont en granit. »
(ci-contre illustration de l’auteur de la monographie)
Monographie de Jurvielle – 1886 – Par Augustin Bordes, Instituteur
« Les céréales diverses récoltées dans le territoire de la commune, blé, seigle, méteil, orge, sarrazin, donnent le chiffre de 435 hectolitres environ. Les pommes de terre celui de 1000 hectolitres. Les prairies, toutes naturelles, produisent 3000 quintaux de foin. La vigne et les arbres fruitiers n’y poussent pas, la température étant trop froide.
C’est d’après l’ancienne routine qu’on laboure encore. On se sert de charrues en bois, fort légères, qui ne font que gratter la surface de la terre, laquelle produit passablement néanmoins grâce à la grande quantité de bon fumier qu’on y transporte.
On dépique avec de petites batteuses que l’on fait mouvoir avec les bras, ce qui est très pénible, on bat aussi avec les fléaux.
Un propriétaire possède une usine à scier le bois. Deux moulins appartenant à des particuliers moulent le grain du village. »
Monographie de Cathervielle – 1886 – Par Jean-Bertrand Mengue, Instituteur
« Les principales céréales sont le blé, le seigle, l’orge, l’avoine, le maïs, les pommes de terre, divers légumes et des plantes potagères.
Cathervielle ne compte sur son territoire ni mine, ni carrière, ni manufacture. Il possède seulement trois moulins à eau appartenant à divers particuliers qui tantôt travaillent, tantôt chôment parce qu’ils manquent d’eau, soit à cause de leur mauvais état. Pourtant rendons hommage à la vérité et disons qu’ils sont suffisants pour l’entretien du village. »
Monographie de Garin – 1885 – Par Jean-Pierre Comet, Instituteur
« Un seul petit ruisseau formé par les sources des montagnes de Portet, de Jurvielle et de Cathervielle traverse le village et les propriétés. Il donne environ 300 litres d’eau par seconde. Le volume est si petit surtout en été qu’il suffit à peine pour arroser les prairies et mettre en mouvement cinq petits moulins appartenant à divers propriétaires de la commune et indispensables pour l’entretien des habitants.
Garin ne compte sur son territoire ni mine, ni carrière, ni usine, ni manufacture. C’est seulement, comme je le disais plus tôt, cinq petits moulins qu’il possède appartenant à divers propriétaires qui tantôt travaillent, tantôt chaument soit parce qu’ils manquent d’eau, soit à cause de leur mauvais état. Pourtant rendons hommage à la vérité et disons qu’ils travaillent assez pour l’entretien du village. »
Monographie de Gouaux de Larboust – 1886 – Par Jean-Pierre Lassalle, Instituteur
« La commune produit en céréales de toutes natures, consistant en froment, seigle, méteil, orge, sarrazin, se semant sur 42 hectares de terres labourables donnant, année moyenne, un rendement de 13 hectolitres par hectare, en somme … 671 quintaux métriques .
Il existe à Gouaux des moulins à farine mus par l’eau, pas d’autres usines ni manufactures. »
Monographie de Cazaux de Larboust – 1886 – Par Joseph Jourtau, Instituteur
« Les habitants du village de Cazaux se livrent aussi à la culture des céréales et la surface occupée par cette culture est de 47 hectares : seigle (20), froment (10), sarrazin (7), maïs (4), méteil (3), orge (2), millet (1).
La commune n’a qu’une scierie sans importance et qu’un seul moulin qui reste dans l’inactivité la moitié de l’année. L’un et l’autre sont la propriété d’un même particulier. »
Monographie de Castillon de Larboust – 1886 – Par Jacques Seignourat, Instituteur et secrétaire de mairie
« Le sol est généralement pauvre. Sa partie cultivée en céréales est sablonneuse ; celle cultivée en prairies naturelles est argileuse. Ce n’est qu’à force d’engrais qu’on parvient à lui faire produire des récoltes assez abondantes.
La commune ne récoltant pas assez de grain pour la nourriture de ses habitants, tous les ans chaque famille, à quelques exceptions près, est obligée de s’approvisionner pour sa subsistance aux marchés de Bagnères-de-Luchon ou de Montréjeau.
Les procédés de culture sont toujours les mêmes, toujours la vieille routine. Il y a cependant le battage des céréales qui se fait en partie avec les machines à bras.
La commune est desservie sous le rapport de la mouture des céréales par deux moulins à eau appartenant en commun aux habitants. Chaque famille a un ou plusieurs jours connus par mois pour moudre son grain. »
Monographie de St Aventin – 1886 – Par Alexis Laurens, Instituteur… et futur maire de Trébons
« A propos de l’One appelée vulgairement la Neste… Son débit de 12 m3 par seconde, inoffensive en été mais en automne et au printemps, elle sort souvent de son lit, emportant les digues, les canaux d’irrigation et des moulins…
La quantité de blé récolté dans la commune n’est pourtant pas suffisante pour subvenir à l’entretien des habitants ; la plupart des familles achètent tous les ans quelques hectolitres de blé. La consommation de pain est considérable dans la commune : l’air pur et les eaux vives contribuent puissamment à exciter l’appétit.
Non seulement les forêts surveillées par une garde forestier qui reçoit un traitement de 700 fr fournissent aux habitants de St Aventin le bois nécessaire pour la construction et l’entretien des bâtisses, pour le chauffage, les instruments aratoires, mais elles sont pour la commune une source de revenus. Chaque année elle vend des sapins pour une valeur moyenne de 10.000 fr. Une fois coupés et équarris, ils sont amenés dans deux scieries mises en mouvement toute l’année par les eaux de l’One où ils se transforment en de belles planches de toutes les dimensions.
On trouve enfin dans la commune deux moulins à farine, deux scieries, deux menuisiers, quatre maçons et un étameur-chaudronnier. »
1933 : le moulin de Trébons sur le cadastre communal
Sur le cadastre de Trébons de 1933, on retrouve en filigrane le cadastre de 1837. Le nom du quartier a changé : ce n’est plus La Gleyso mais Artigaou. La Route Thermale N°1 a été créée avec un nouveau pont sur la « Rivière de l’Aune » en amont du seul moulin qui reste, au débouché du Chemin du Moulin (anciennement Chemin du Moulin de dessus). Le second moulin, qui n’existait déjà plus en 1886, a probablement été emporté lors des inondations de 1875.
La Route Thermale a été assurément pour la vallée de Larboust l’un des grands chantiers du milieu du 19ème siècle d’autant plus que les communes ont été mises à contribution au nom d’une loi de 1836 qui obligeait les communes à procéder à l’acquisition des terrains nécessaires à l’établissement des voies de grande communication (cf délibération du conseil municipal de Trébons n° 5 du 1er novembre 1842).
Une fois la Route Thermale terminée, sans doute vers 1846, la question s’est naturellement posée de l’accès des villages qui n’étaient pas directement desservis comme Trébons et Cazarilh avec un principe fondamental, celui d’une participation financière des communes tant pour l’achat des terrains que pour les travaux de construction.
Pour une commune pratiquement sans ressources comme Trébons, dont la seule recette provenait du fermage de la carrière du Litau, c’était a priori une mission impossible, ce qui explique sans doute au départ le peu d’enthousiasme du Maire de Trébons dans une lettre qu’il adresse au Préfet le 12 mars 1870 :
« Le nouveau tracé du chemin de petite communication N° 1 et 2 de la commune de Trébons présente de grands inconvénients dans son parcours attendu qu’on va rendre impraticable l’exploitation de la plus grande partie des propriétés et qu’il est impossible que l’Eglise ne soit gravement menacée par suite d’un escarpement partie supérieure, il est donc à désirer que Monsieur le Préfet prenne en considération les observations des intéressés consignées dans le procès-verbal d’enquête : l’ancien chemin est plus que suffisant pour la commodité de la commune de Trébons en y employant toutes les journées en nature chaque année. Nous espérons donc que les prestations des journées de l’année courante soient employées au vieux chemin, attendu qu’un nouveau tracé ne peut être suivi. »
Mais ce projet est rapidement apparu comme inéluctable d’autant plus que les intérêts des deux communes de Trébons et de Cazarilh se trouvaient étroitement liés. Et c’est précisément cette situation que Trébons va exploiter en obtenant en 1882 que Cazarilh prenne en charge la totalité des frais du chemin vicinal n° 3 depuis la sortie du village de Trébons jusqu’à Cazarilh, mais aussi en demandant que Cazarilh participe à d’autres dépenses. Ainsi le 17 février 1885, alors que le chantier est bloqué faute de pouvoir financer l’achat de terrains, le Maire de Trébons écrit au Sous-Préfet :
« En présence de l’impuissance de notre commune à faire de nouveaux sacrifices pour cet objet, et considérant que la Commune de Cazarilh-Laspénes possède des subventions beaucoup plus que suffisantes pour terminer le chemin sur son territoire et jusqu’au village de Trébons, j’ai l’honneur de vous prier M. le Sous-Préfet de vouloir bien inviter cette commune à contribuer à une dépense plus utile pour elle que pour Trébons, en prélevant sur les subventions qu’elle possède la somme de 628 fr 80 qui nous manque pour assurer le paiement intégral du terrain. »
Vingt ans plus tard, en 1905 il restait encore 285 m de route à construire pour un montant de 4000 fr auxquels la commune devait participer pour 818 fr comme l’indique la délibération 73 du 10 mars 1905 :
« Pourrions-nous encore couvrir par un rôle volontaire la somme de 818 fr sans compromettre les intérêts agricoles ? Nous avons employé dans le mois de janvier dernier pour la masure Caussette des journées pour 144 fr. Nous emploierons pour la dite construction les 3 journées de prestation évaluées à 77 fr, et nous prenons à notre charge l’entretien annuel de tous les chemins que M. l’agent voyer cantonal pourra exiger et surveiller. Nous avons le ferme espoir que l’administration compétente prendra en considération notre pénible situation et nous accordera les subventions nécessaires pour terminer notre principal chemin. »
1950 : les moulins sur la carte IGN
En 1950, il ne reste plus que 7 moulins répertoriés sur la carte IGN en vallée d’Oueil et seulement 2 en vallée de Larboust. On peut penser que certains, comme celui de Trébons, sont encore présents mais complètement tombés dans l’oubli après leur renaissance éphémère pendant la guerre ! Il est probable que ceux qui étaient encore en état de fonctionner, comme celui de St Paul, près du hameau de Maylin, servaient pour l’alimentation des animaux.
Version PDF du document « A la recherche de repères historiques sur les moulins »